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JOUR 4 - Camp de Dar Paing    

L'accès aux services de santé est aussi un sujet sensible : impossible pour les populations d’accéder aux hôpitaux situés en ville. Seuls les cas extrêmes bénéficient d’un laissez-passer.

​Je me remémore les mots de Goshia, responsable de nos programmes dans l’un des camps : 
« En ce moment, il y a beaucoup de cas de dengue. Mais les personnes du camp n’ont pas accès aux médicaments qu’il faut pour se soigner et ne peuvent sortir du camp. Il faut être très malade pour pouvoir être hospitalisé hors du camp. En cas de décès, les proches ne sont même pas autorisés à voir le corps ni à le récupérer pour une cérémonie. »


La liste des interdictions faites aux Rohingyas s’alourdit. Dans un environnement aussi hostile, cela donne toujours plus d’importance à l’énergie que SOLIDARITÉS INTERNATIONAL déploie pour fournir des conditions d’hygiène saines, assurer de l’eau potable et protéger la santé des plus fragiles.

​Nous poursuivrons notre chemin, à la rencontre d’autres témoignages de ces sans voix, ces invisibles.


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Phyo Waiyan Saw, 10 ans

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Kursein, membre de l'équipe

« Cela fait trois ans que nous habitons dans le camp. Nous avons fui notre village car nous sommes musulmans et les gens ont brulé notre maison. Suite à cela je n’ai pas pu aller à l’école pendant deux ans. Cela fait un an que j’y suis retourné et je suis très content. J’y apprends beaucoup de chose. Et les gens de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL ont installé des toilettes, de l'eau pour se laver les mains. Et chez moi, j'ai un filtre à eau pour boire de l'eau. Elle est propre, a bon goût et, grâce à cela, je ne suis pas malade."

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 « On habite à 12 personnes dans la même maison. Je vais à l’école. Je suis venue moi-même chercher le kit donné par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL car ma maman est malade, elle a la dysenterie et doit veiller sur mon petit frère, qui est encore bébé ».


Les conditions météo sont loin de s’améliorer, la pluie ne cesse de tomber, le vent de souffler. Nous ne pouvons toujours pas prendre la mer pour nous rendre dans les camps les plus isolés. L’équipe vit très mal de ne pas pouvoir se rendre auprès des familles et de ne pas faire avancer les programmes pour améliorer leurs conditions de vie.

Dans le camp, la distribution continue. Près de mille kits seront encore distribués aujourd’hui. Nous discutons avec les enfants venus chercher seuls le kit de leur famille.

« J’ai toujours été bon élève et j’ai travaillé dur pour obtenir mon diplôme. J’ai eu trois distinctions. J’ai toujours voulu être médecin. J’ai voulu m’inscrire à l’université de médecine mais cela m’a été interdit. Je me suis donc inscrit en cours d’anglais. J’étais très studieux, je participais beaucoup au cours. J’étais très actif. Trop. On m’a exclu du cours. Je me suis réinscrit l’année d’après. J’ai de nouveau été exclu à cinq reprises. J’ai tenu bon. A chaque fois je suis donc revenu demander au professeur de me réintégrer. Je parlais plusieurs heures avec lui, le suppliant afin de pouvoir assister au cours. Il a fini par céder. Je me suis fait le plus discret possible, je n’ai plus posé de questions, j’ai  juste emmagasiné toutes les connaissances possibles. J’étais le seul élève rohingya sur 200. En 2012 je me suis inscrit à l’université en mathématiques mais je n’y ai assisté que trois mois. Les évènements de 2012 m’ont empêché de poursuivre mes études.


Je ne peux sortir du camp, je ne peux sortir du Rakhine pour étudier à Yangon. Je suis en prison. Mais le plus dur c’est que je ne peux étudier. Ma petite sœur n’ira probablement jamais à l’université. On perd notre éducation ici. J’ai essayé de m’inscrire à des cours d’anglais, refusé. J’ai écrit à Yangon, refusé. Alors j’étudie par moi-même. Je fais le maximum. Je me dis que si un jour je suis libre, cela ne sera pas vain et que je pourrais intégrer une bonne université ou avoir un bon travail. Je ne sais pas ce qu’il va se passer dans les prochains mois, les prochaines années mais je veux mettre toutes les chances de mon côté.» 


Il me dit que j’ai sans doute vu plus que lui sur son pays, puisqu’il n’est pas autorisé à sortir de son camp ni de l’état du Rakhine. Il faut un passeport, cela coute 200 000 kyats (200€). Je vois autrement sa question d’hier : « Est-ce la première fois que tu viens au Myanmar ? Tu vas te rendre dans d’autres partie du pays ? ». Ce ne sont pas des questions anodines que l’on pose comme introduction à une conversation mais bien des envies d’ailleurs et des rêves de liberté.

« Si tu n’as pas de passeport et que la police t’arrête, tu vas en prison directement ! »


Cette soif d’apprendre, cette volonté m’impressionnent. Et ce témoignage me rend triste, il reflète une réalité non connue. Je demande à Kursein s’il m’autorise à parler de son histoire. Oui, il veut que l’on sache ce que nombre d’entre eux vivent tous les jours.

Nous partons pour le camp de Dar Paing, assister à une session de sensibilisation à l’hygiène. Une grande pièce accueille deux classes de 50 élèves. Des équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL munies de dessins évocateurs montrent les bonnes pratiques à avoir en matière d’hygiène pour éviter les maladies : se laver les mains après avoir été aux toilettes, avant de manger, couvrir la nourriture pour éviter que les mouches ne la contaminent. Les élèves participent, lèvent le doigt, rient. Les mêmes messages sont chantés.

​La pluie battante couvre les voix. En plus de faire des environs un véritable champ de boue, la saison des pluies ne facilite pas de bonnes conditions d’apprentissage.


Dans 38 écoles du camp, nous allons distribuer des filtres céramiques afin de garantir une eau de qualité aux enfants. Nos équipes vont construire des latrines et des aires de lavage des mains. L’école ne doit pas être un lieu de contamination. Nous voulons donner toutes les chances aux enfants d’être en bonne santé et de pouvoir assister aux cours. Leur offrir un environnement sain, c’est éviter l’absentéisme dû aux maladies et cela constitue donc aussi un levier d’éducation.


Je discute de l’accès à l’éducation avec un membre de notre équipe, Kursein. Il habite le camp et ne peut donc en sortir. Il me raconte son histoire. C’est lui qui ramène de l’argent à la maison. Son père est décédé peu après les évènements de 2012. Les évènements ont été violents et ont obligé sa famille à fuir, mais la discrimination envers les musulmans se faisait déjà sentir.


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Dilshasn 8 ans 

>> JOUR 5

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